11 novembre 2017

Homélie du Père André-Benoît Drappier à la cathèdrale

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11 novembre 1917. Il y a 100 ans, le monde rentrait dans la dernière année de la guerre. Bientôt, les tanks, l’infanterie et l’aviation anglaise lanceront une offensive vers Cambrai annonciatrice d’un nouveau type de guerre. Une bataille où périront tant d’hommes.

 

L’évangile de ce matin, extrait du chapitre 16 de saint Luc, nous parle du bien véritable : Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?  En ce jour anniversaire de l’armistice, nous pouvons nous interroger sur ce bien véritable qu’est la paix. Quelle paix pour notre monde, un siècle après la Grande Guerre ? Comment en faire le bien de tous ?

 

Chaque 11 novembre, l’Église fête un soldat. Il ne porte pas la tenue bleu horizon des poilus de 14/18. Il ne porte pas le treillis et tous les équipements de combat du soldat d’aujourd’hui envoyé en mission en Afrique. Il a sur lui, la tunique, la cuirasse, le casque du légionnaire romain et le grand manteau rouge qui protège du froid et de la pluie.

 

Le nom de ce soldat est Martin que l’Église fête sous le nom de saint Martin de Tours même s’il venait de beaucoup plus loin puisqu’originaire d’une ville située aujourd’hui en Hongrie. Martin, soldat dans l’armée romaine, la tradition raconte qu’une nuit d’hiver de l’année 338 alors qu’il était en patrouille, il rencontre un pauvre homme transi de froid. Avec son épée, il coupe son manteau en deux, donnant la doublure à celui qui en avait tant besoin.

 

Anecdote, légende dorée... ou  bien un geste  qui peut nous faire réfléchir en profondeur à la  question de paix dans notre monde.

 

11 novembre ; 99 années sont passées depuis que le clairon de l’armistice a mis fin à la Grande Guerre, à 5 années terribles et sanglantes. Ce jour appartient à l’histoire. Mais aujourd’hui, nombreux et de tous les âges, seront ceux qui se rassembleront et qui se souviendront.

 

Par devoir de mémoire, oui ; mais aussi au fond de nous-mêmes, parce que nous savons que nous n’en avons pas fini avec la violence et les conflits.

 

«Plus jamais la guerre !». Ces mots des soldats de 14, le pape Paul VI les a portés jusqu’à L’ONU. Les guerres ont pris d’autres formes que celles du 1er conflit mondial. Même si le terrorisme vient frapper chez nous, nous sentons à l’abri dans cette Europe qui a choisi la réconciliation, qui patiemment a tissé mille liens qui nous unissent, laissant à quelques milliers de soldats la mission d’intervenir sur les points chauds de la planète, en pompiers de la paix, au risque de leur vie.

 

Alors, est-ce que la guerre et la paix ne nous concernent plus ? Martin avait une épée et une lance. Nous n’en avons pas, pas plus que de fusil ou de char d’assaut. Mais Martin avait aussi un manteau, ce fameux manteau partagé avec un pauvre homme. Un manteau, nous en avons un. Et si ce manteau de saint Martin avait quelque chose à nous dire de la guerre et de la paix, de la fragilité des temps actuels, la fragilité et le désordre du monde que nous laissons à nos enfants.

 

Si vis pacem para bellum disaient en latin les anciens. Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre. Est-ce que nous voulons la paix ? Ou pour le dire autrement, est-ce que nous nous sentons concernés par la paix, autour de nous et dans le monde ? Ou est-ce que nous pensons que c’est une affaire trop compliquée, qui nous dépasse, sur laquelle nous ne pouvons avoir de prise.

 

Nous, chrétiens, croyons qu’agir pour la paix est l’affaire de tous, qu’agir pour la paix est la responsabilité de chaque habitant de cette terre.

 

Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre. On peut comprendre cette phrase pour des soldats qui s’entraînent, non pas pour agresser d’autres pays, mais pour ôter à d’éventuels adversaires toute envie de nous attaquer.

 

On peut comprendre cette phrase pour des soldats. Mais nous, nous civils, citoyens, comment pouvons-nous nous préparer, comment pouvons nous agir pour que la guerre n’ait plus jamais lieu ? Quand Martin coupe son manteau, il fait un geste de solidarité, mais plus encore un geste de justice. Quand nous nous engageons, de mille manières différentes, pour la justice et la solidarité, nous faisons grandir la paix en écho à la parole du Psaume 145 : Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés.

 

Si la paix dans le monde a besoin de l’épée de Martin, si elle a besoin de la force ; elle a beaucoup plus besoin encore du manteau de Martin, elle a beaucoup plus besoin encore de la justice, du développement et de la solidarité.

 

La paix du monde, n’est pas au loin, n’est pas seulement la responsabilité de l’ONU ou des chefs d’État. La paix est au milieu de nous, elle est notre responsabilité. Qu’elle devienne notre engagement. À chacun de trouver, de choisir quelle part il peut prendre bien véritable dans des engagements aussi divers, qu’une association de quartier, ou une ONG qui travaille pour le développement ici et à l’autre bout du monde. Tout se tient. Tout compte. La paix commence ici et maintenant. La paix commence dans nos familles, sur nos lieux de travail, dans nos communes, nos paroisses. La paix commence par nos choix de vie.

 

La nation de 14/18 était une nation en armes, mobilisée pour repousser l’invasion. Aujourd’hui sommes-nous capables de nous unir, de nous mobiliser contre des menaces qui avancent cachées. La guerre a pris des formes nouvelles, des formes silencieuses, mais qui tuent ici et à travers le monde. Comment ne pas penser à la financiarisation de l’économie, au profit à n’importe quel prix qui fragilise tant d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le monde, fragilise les individus, mais aussi la terre, les sociétés, les entreprises, les familles. Saurons-nous en prendre conscience et nous mobiliser contre ces nouvelles formes de la guerre ?

 

11 novembre. Journée du souvenir. Pour toutes les victimes de toutes les guerres. 11 novembre, journée pour crier : plus jamais la guerre... et pour faire le point sur notre engagement au service de la paix.

 

Saint Martin, soldat, ami du Christ a partagé son manteau puis il est devenu ermite, moine, évêque. Dans tous ces choix de vie, il a cherché jour après jour, en vivant l’Évangile avec tous ceux qui l’entouraient le bien véritable, il a cherché à faire grandir la Paix. Il nous a ouvert un chemin.

 

Prenons ce chemin de paix et d’espérance. Prenons-le avec foi et confiance, avec courage et détermination.

 

Amen.

Article publié par Père François Triquet • Publié le Dimanche 12 novembre 2017 • 4647 visites

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