conférence de Mgr Denis Lecompte

maison paroissiale

 

Ste Elisabeth de Hongrie          Denis Lecompte

 

C’est à Cambrai, que j’ai découvert Ste Elisabeth de Hongrie   et c’est grâce à Cambrai que je me suis passionné pour elle (je dirai pourquoi).  On l’appelle également Elisabeth de Thuringe (l’Allemagne actuelle) car c’est là qu’elle a vécu à partir de 5 ans jusque sa mort le 17 novembre 1231.  C’est une des femmes du Moyen Age qui a suscité le plus d’admiration jusqu’aujourd’hui.

 

Elle naquit en 1207; les historiens débattent sur son lieu de naissance.  Son père était André II, riche et puissant roi de Hongrie, descendant de St Etienne de Hongrie (v. 975 - 15 août 1038)  lequel fonda le royaume de Hongrie.    Ste Elisabeth vécut à la cour de Hongrie les 4 premières années de son enfance uniquement,  avec sa sœur et ses 3 frères.  Elle aimait le jeu, la musique et la danse;  elle récitait fidèlement ses prières,  et manifestait déjà une attention particulière pour les pauvres,  qu’elle aidait au moyen d’une bonne parole ou d’un geste de proximité.

 

Son enfance heureuse fut brusquement interrompue    lorsque, de la lointaine Thuringe,  arrivèrent des chevaliers pour la conduire à son nouveau domicile, en Allemagne centrale.  Selon la coutume de l’époque, en effet,  son père avait décidé qu’Elisabeth devienne princesse de Thuringe.  Le Landgrave ou comte de cette région était l’un des souverains les plus riches et influents d’Europe au début du XIIIe siècle,  et son château était un centre de splendeur et de culture.  Mais derrière les fêtes et la gloire apparente   se cachaient les ambitions des princes féodaux,  souvent en guerre entre eux, et en conflit avec les autorités royales et impériales.  Dans ce contexte,  le Landgrave Herman accueillit bien volontiers les fiançailles entre son fils Ludovic et la princesse hongroise.  Elisabeth quitta sa patrie pourvue d’une riche dot et d’une importante suite, composée notamment de ses demoiselles de compagnie,  dont 2 demeureront ses amies fidèles jusqu’à la fin.  Ce sont elles qui nous ont laissé de précieuses informations sur l’enfance et la vie de Ste Elisabeth.

 

Après un long voyage,  ils arrivèrent à Eisenach,  pour monter ensuite vers la forteresse de Wartburg, l’imposant château dominant la ville.  C’est là que furent célébrées les fiançailles de Ludovic et Elisabeth.  Au cours des années qui suivirent,  tandis que Ludovic apprenait le métier de chevalier,  Elisabeth et ses compagnes étudiaient l’allemand, le français, le latin, la musique, la littérature et la broderie.  Bien que les fiançailles aient été décidées pour des raisons politiques,  il naquit entre les 2 jeunes gens un amour sincère,  animé par la foi et le désir d’accomplir la volonté de Dieu.   A l’âge de 18 ans,  Ludovic, après la mort de son père,  commença à régner sur la Thuringe.  Mais Elisabeth devint l’objet de critiques,  car sa façon de se comporter ne correspondait pas à la vie de la cour.  Ainsi, la célébration du mariage se déroula  sans faste,  et les dépenses pour le banquet furent en partie dévolues aux pauvres.   Dans sa profonde sensibilité,  Elisabeth voyait les contradictions entre la foi professée et la pratique chrétienne.  Elle ne supportait pas les compromis.   Un jour,  en entrant dans l’église en la fête de l’Assomption,   elle enleva sa couronne, la déposa devant la croix et demeura prostrée au sol,  le visage couvert.   Lorsque sa belle-mère lui reprocha son geste, elle répondit: «Comment moi, misérable créature,  puis-je continuer de porter une couronne de dignité terrestre, lorsque je vois mon Roi Jésus Christ couronné d’épines?». Elle se comportait devant Dieu comme envers ses sujets.  Dans les Dépositions des quatre demoiselles de compagnie,  nous trouvons ce témoignage: «Elle ne consommait aucune nourriture sans s’assurer auparavant qu’elle provenait des propriétés et des biens légitimes de son époux. Tout en s’abstenant des biens procurés de façon illicite, elle se prodiguait pour dédommager ceux qui avaient subi une violence» (nn. 25 et 37).   Voilà un véritable exemple pour tous ceux qui occupent des rôles de guide:  l’exercice de l’autorité, à tous les niveaux, doit être vécu comme un service à la justice et à la charité,  dans la recherche constante du bien commun.

 

Elisabeth pratiquait assidûment  les œuvres de miséricorde:  elle donnait à boire et à manger à ceux qui frappaient à sa porte,  elle procurait des vêtements,  elle payait les dettes,  elle prenait soin des malades  et enterrait les morts.    En descendant de son château,  elle se rendait souvent avec ses servantes dans les maisons des pauvres,  apportant du pain, de la viande, de la farine et d’autres aliments.  Elle remettait la nourriture personnellement  et contrôlait avec attention les vêtements et les lits des pauvres.  Ce comportement fut rapporté à son mari, qui non seulement n’en fut pas ennuyé,  mais qui répondit aux accusateurs: «Tant qu’elle ne vend pas le château, j’en suis content!».  C’est dans ce contexte que se situe le miracle du pain transformé en roses:  alors qu’Elisabeth marchait sur la route avec son tablier rempli de pain pour les pauvres,  elle rencontra son mari qui lui demanda ce qu’elle portait.  Elle ouvrit son tablier  et, au lieu du pain, apparurent des roses magnifiques.  Ce symbole de charité est présent de nombreuses fois  dans les représentations de Ste Elisabeth.

 

Son mariage fut profondément heureux:  Elisabeth aidait son mari à élever à un niveau surnaturel ses qualités humaines,  et lui, en échange,  protégeait sa femme dans sa générosité envers les pauvres  et dans ses pratiques religieuses.  Toujours plus admiratif de la foi profonde de son épouse,  Ludovic, se référant à son attention envers les pauvres,  lui dit: «Chère Elisabeth, c’est le Christ que tu as lavé, nourri et dont tu as pris soin».  C’est là un témoignage clair  de la façon dont la foi et l’amour envers Dieu et envers le prochain   renforcent la vie familiale  et rendent l’union des époux encore plus profonde.

 

Le jeune couple trouva un soutien spirituel chez les franciscains, qui, à partir de 1222,  se répandirent en Thuringe.  Parmi eux, Elisabeth choisit le frère Roger (Rüdiger) comme directeur spirituel.  Lorsqu’il lui raconta l’épisode de la conversion du jeune et riche marchand François d’Assise,  Elisabeth s’enthousiasma encore plus  sur son chemin de vie chrétienne.  A partir de ce moment-là,  elle fut encore davantage décidée à suivre  le Christ pauvre et crucifié,  présent chez les pauvres.   Même lorsque son premier fils naquit, suivi de deux autres,  notre sainte ne négligea jamais ses œuvres de charité.  En outre, elle aida les frères mineurs à construire à Halberstadt un couvent,  dont frère Roger devint le supérieur.  (Elle reçut alors  Conrad de Marbourg  comme directeur spirituel).

 

Une dure épreuve fut la séparation avec son mari,  à la fin de juin 1227,   lorsque Ludovic IV  s’associa à la croisade de l’empereur Frédéric II,  comme devaient le faire les souverains de Thuringe.  Elisabeth lui dit: «Je ne te retiendrai pas. Je me suis entièrement donnée à Dieu  et à présent je dois aussi te donner».  Mais la fièvre décima les troupes et Ludovic tomba malade et,  avant même d’embarquer,  il mourut en septembre 1227, à l’âge de 27 ans à Otrante (port sud Italie).  Elisabeth, ayant appris la nouvelle,  ressentit une telle souffrance qu’elle se retira dans la solitude ;  par la suite,  fortifiée par la prière et réconfortée par l’espérance de la Vie Eternelle,  elle recommença à s’intéresser aux affaires du royaume.  Ceci étant, une autre épreuve l’attendait: son beau-frère usurpa le gouvernement de la Thuringe,  se déclarant le véritable héritier de Ludovic et accusant Elisabeth d’être une femme pieuse incompétente pour gouverner.  La jeune veuve, avec ses 3 enfants, fut chassée du château de Wartburg et se mit à la recherche d'un lieu où trouver refuge.  Seules 2 de ses servantes demeurèrent à ses côtés,  l'accompagnèrent et confièrent les 3 enfants aux soins des amis de Ludovic.  En voyageant de village en village,  Elisabeth travaillait là où elle était accueillie,  elle assistait les malades,  elle filait et elle cousait.  Au cours de ce calvaire supporté avec beaucoup de foi, avec patience et dévouement,  certains parents qui lui étaient restés fidèles et considéraient comme illégitime le gouvernement de son beau-frère,  réhabilitèrent son nom.  Ainsi Elisabeth, au début de l'année 1228,  put recevoir un revenu approprié pour se retirer dans le château de famille à Marbourg, où habitait aussi son directeur spirituel Conrad.  C'est lui qui rapporta au Pape Grégoire IX le fait suivant: «Le Vendredi saint de 1228, les mains posées sur l'autel dans la chapelle de sa ville de Eisenach, où elle avait accueilli les frères mineurs,   en présence de plusieurs frères et de parents, Elisabeth renonça à sa propre volonté et à toutes les vanités du monde.  Elle voulait renoncer aussi à toutes ses possessions,  mais je l'en dissuadais par amour des pauvres.  Peu après, elle construisit un hôpital, elle recueillit les malades et les invalides et elle servit à sa table les plus misérables et les plus abandonnés.  L’ayant moi-même réprimandée à ce propos,  Elisabeth répondit qu'elle recevait des pauvres une grâce spéciale et l’humilité» (Epistula magistri Conradi, 14-17).

 

Nous pouvons percevoir dans cette citation  une certaine expérience mystique semblable à celle vécue par St François: en effet celui-ci déclara dans son testament, qu'en servant les lépreux,   ce qui auparavant lui était amer, fut transmué en douceur de l'âme et du corps (Testamentum, 1-3).  Elisabeth passa les 3 dernières années de sa vie dans l'hôpital qu'elle avait fondé,  servant les malades, veillant avec les mourants.  Elle essayait toujours d'accomplir les services les plus humbles et les travaux répugnants.  Elle devint ce que nous pourrions appeler aujourd'hui une femme consacrée dans le monde (soror in saeculo)  et forma, avec d'autres amies, vêtues de gris, une communauté religieuse.  Ce n'est pas par hasard qu'elle est la patronne du Tiers Ordre régulier de St François et de l'Ordre franciscain séculier.

 

En novembre 1231,  elle fut frappée par de fortes fièvres.  Lorsque la nouvelle de sa maladie se propagea, une foule de gens accourut lui rendre visite.  Après une dizaine de jours,  elle demanda que les portes fussent fermées, pour demeurer seule avec Dieu.  Dans la nuit du 17 novembre,  elle s'endormit doucement dans le Seigneur.  Les témoignages sur sa sainteté furent si nombreux qu’à peine 4 ans plus tard,  le Pape Grégoire IX la proclama sainte et, la même année, fut consacrée la belle église construite en son honneur à Marbourg.

 

Dans la figure de Ste Elisabeth,  nous voyons que la foi et l'amitié avec le Christ  créent  le sens de la justice, de l'égalité entre tous,  dans la charité, l’amour selon l’Evangile.   Et de cette charité naît aussi l'espérance,  la certitude que nous sommes aimés par le Christ.    Ste Elisabeth nous invite à redécouvrir le Christ,  à l'aimer en tant que tel    et à le percevoir,  le toucher dans les autres ;   elle a anticipé Mère Térésa !

 

1) Cambrai et Ste Elisabeth

 

Le rayonnement de Ste Elisabeth fut très important et décisif pour Cambrai,  à l'époque ville libre d'Empire comme l'étaient les principautés d'Allemagne;  les relations étaient donc fréquentes.  Impressionnée par la dévotion mariale qu'elle partageait et qui se vivait à Cambrai,  Elisabeth procéda – de son vivant - à de grandes largesses pour les travaux d'achèvement de la Cathédrale Notre-Dame de Cambrai (la "Merveille des Pays-Bas", détruite peu après la Révolution de 1789)   ainsi que pour diverses prébendes et pensions.   Selon les archives, l'évêque de Cambrai, Nicolas de Fontaine,  se trouvait à Marburg  au moment de la mort d'Elisabeth.  C'est à cette occasion  qu'il dut ramener le cœur à la Cathédrale,  avant même la canonisation de 1235,  tant la renommée d'Elisabeth était grande.  Par la suite, le patronyme de Ste Elisabeth fut donné à des chapelles, des églises paroissiales, des béguinages, des établissements hospitaliers aussi bien à Cambrai que dans la région (Il y avait une église, une paroisse Ste Elisabeth à l’intérieur des murs de Cambrai,  au sud de l’actuelle Sous-Préfecture ;  encore aujourd’hui l’église de Neuville en Avesnois est consacrée à Ste Elisabeth. L’Hôpital de Seclin est dédié à Ste Elisabeth)…  De même, furent réalisés 2 Offices de sa fête à Cambrai   ainsi que,  toujours dans la région,  des sceaux, des miniatures, des gravures… La Bibliothèque municipale possède encore  3 importants et magnifiques manuscrits  ayant trait, pour une large part, à Ste Elisabeth de Hongrie.

 

Le cœur de Ste Elisabeth à Cambrai

 

Qu'en est-il du "cœur" de Ste Elisabeth de Hongrie ?  Une telle relique est évidemment unique :  Elisabeth n'a qu'un cœur !  Cette relique acquiert d'autant plus d'importance que malheureusement, à Marburg,  ce qui restait de son corps  fut jeté (par un de ses petits-fils devenu protestant) lors des événements de la Réforme.  De nos jours, la Cathédrale de Cambrai a toujours le bonheur de posséder une "particule" d'un des os ("particulum ex ossibus")  de Ste Elisabeth  et surtout la relique de son cœur.

 

Les documents nous rapportent que, jusque la Révolution française,  le cœur était vénéré dans l'ancienne Cathédrale.  Dès 1235, année de la canonisation,  un autel fut consacré avec le cœur.  Puis, lors des travaux de 1239, une chapelle fut dédiée à Ste Elisabeth de Hongrie,  en position d'honneur,  juste à droite de la chapelle axiale dédiée à la Sainte Trinité,  celle qui recevra en son temps l'Icône Notre-Dame de Grâce.  Aux Archives départementales du Nord,  on peut actuellement consulter différents inventaires historiques des "reliques de la Cathédrale de Cambrai".   Relevons simplement 2 indications concernant le cœur de Ste Elisabeth à la date du 20 septembre 1401 : "Item une relique d'argent ou il y a escript autour : de corde sancte Elizabeth.  Item une petite ronde relique ou est escript autour : cor sancte Elisabeth".  Notons de suite que le cœur n'a pas été conservé en son unité…

 

Son cœur, aujourd'hui

 

 La Révolution française entraîna malheureusement de profondes fractures dans la continuité historique des biens et des traditions…  Ceci étant,  quelques réalités des plus précieuses furent sauvegardées.  Ce fut le cas de l'Icône Notre-Dame de Grâce : c'est notamment le dénommé Macaine qui en fut le sauveur.  Pour ce qui est de Ste Elisabeth, une relique de son cœur (laquelle ? si on se réfère à l'inventaire de 1401…) fut enchâssée à l'arrière bas du Maître autel de l'actuelle Cathédrale (ancienne Abbatiale du Saint Sépulcre, place Jean-Paul II),  dans le déambulatoire (à l'entrée de ce déambulatoire, un vitrail représente précisément Ste Elisabeth de Hongrie) en face du célèbre monument funéraire de Fénelon.  La pierre y fut travaillée et sculptée en forme de grand cœur (35 cm x 35 cm)  pour recevoir un "reliquaire" de même taille en laiton-cuivre,  formé de 2 boîtiers tapissés intérieurement de velours rouge :  le boîtier extérieur comportait une ouverture à partir de laquelle on pouvait apercevoir et vénérer le (un autre) reliquaire précieux contenant la relique.

 

En 1990, un malotru arracha le reliquaire extérieur et intérieur pour s'emparer du métal précieux.   Heureusement le contenu fut recueilli méticuleusement et conservé dans un boîtier en forme de cœur,  remis sous scellé avec enveloppe cachetée et toutes les indications précises.   Conservée sous coffre,  c'est cette relique insigne qui se trouve aujourd'hui à la disposition et à la vénération de qui aime Ste Elisabeth de Hongrie.

 

2) Huitième centenaire de la naissance de ste Elisabeth

 

En l'année 2007,  le 8ème centenaire de la naissance d'Elisabeth fut commémoré et célébré.  Il le fut en Hongrie et en Allemagne, de façon universitaire et liturgique,  cela va de soi  puisque Ste Elisabeth y est vénérée à divers titres comme patronne principale.  Des "Actes" ont été publiés.  Qu'en fut-il pour Cambrai ?  Grâce à  l'Association "Cambrai Esztergom", une exposition sur Ste Elisabeth et ses liens avec Cambrai,  s'est tenue du 11 au 17 mai dans le Chœur de la Cathédrale Notre-Dame de Grâce.  Elle fut inaugurée, le vendredi 11 mai,  sous la présidence de l'archevêque de Cambrai, Mgr François Garnier,  du député maire de Cambrai, François-Xavier Villain  ainsi que de l'ambassadeur de Hongrie en France, Laszlo Nikicser.  Le mercredi 16 mai, une conférence à plusieurs voix a été donnée en Mairie de Cambrai,  par le professeur Bertrand Fauvarque, par le président de l'Association "France-Hongrie" Henri Toulouze,  par Messik Miklos auteur de l'exposition   et par moi-même.

 

En un 2ème temps, à la mi novembre 2007,  des cambrésiens se sont rendus à Paris où, là aussi, Ste Elisabeth fut célébrée de façon universitaire et liturgique.  Ainsi, le dimanche 18 novembre , le cœur de Ste Elisabeth fut emmené par une soixantaine de cambrésiens et moi-même,   pour être vénéré d'abord par la Paroisse Ste Elisabeth, 195 rue du Temple, dans le 3ème arrondissement de Paris, en apothéose de grandes festivités parisiennes.   Après un accueil solennel et une fervente vénération, furent célébrées les Vêpres de la Fête,  présidées par Mgr Guy Thomazeau, alors évêque de Montpellier et Aumônier en France de l'Ordre de Malte,  au milieu de la communauté chrétienne, notamment les missions hongroise, allemande, l'Ordre de Malte, l'Ordre des franciscains et des descendants de Ste Elisabeth.  Puis s'organisa une magnifique procession aux flambeaux autour de la relique du cœur, portée par moi-même,  jusque la cathédrale Notre-Dame de Paris, en démarrant près de la « Place de la République »  et en passant au pied du Centre Pompidou de Beaubourg et au pied de la Mairie de Paris,  ce qui est tout à fait exceptionnel.   A Notre-Dame, une messe solennelle en l'honneur de Ste Elisabeth fut célébrée par le cardinal André Vingt-Trois qui remercia la délégation cambrésienne.

 

Deux scènes sont célèbres et souvent reproduites :

 

  • Ste Elisabeth transporte des pains pour les distribuer aux pauvres.  Les aliments se transforment en roses dans sa corbeille  ou dans un pan de sa robe.  C'est le miracle des roses.
  • Ste Elisabeth installe un lépreux dans le lit conjugal.  D'abord horrifié, son mari, le landgrave Louis IV de Thuringe, reconnaît « avec les yeux de l'âme »  le Christ  sous cette apparence tuméfiée.

Élisabeth est   la patronne des boulangers,  des mendiants  et des organisations charitables    ainsi que, en Allemagne, des femmes et des jeunes filles.  "L'œuvre de ste Elisabeth"  rassemble les personnes se dévouant pour le linge d'église.   A la Cathédrale de Cambrai,  elle était aussi la patronne des Enfants de chœur.

 

Représentations :

 

On la représente en princesse richement vêtue,  tenant 2 ou 3 couronnes à la main,  ou posées sur un livre (à partir du 15e siècle, en Rhénanie et aux Pays-Bas).   On la montre aussi en tertiaire franciscaine,   avec les attributs symbolisant sa charité :  des pains ou des poissons,   une cruche avec laquelle elle sert à boire au mendiant (lépreux) qui se tient à ses pieds.  Dans un relief (châsse de l'église Ste Élisabeth à Marburg),  elle revêt l'habit de tertiaire,   et fait l'aumône aux mendiants.  Elle porte souvent des roses   dans un pan de sa robe.

Attributs : Couronnes. Pains longs ou ronds. Livre. Sceptre. Roses.

 

3) Œuvres de Miséricorde

 

En cette fin d’année jubilaire, on peut souligner que le cœur de la vie de Ste Elisabeth  est  la miséricorde.  Elle est la disciple du Christ Jésus  qui, dans ses paroles et dans ses gestes, est l’incarnation de la miséricorde.   Et Jésus a enseigné à ses disciples que  la source en est  le Père : « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux » (Lc 6,36).   A la suite de Ste Elisabeth, nous avons donc à être miséricordieux.  C’est un engagement qui interpelle la conscience et l’action de tout chrétien.  En effet, il ne suffit pas de faire l’expérience de la miséricorde de Dieu dans notre vie :  il faut que quiconque la reçoit en devienne aussi le signe et l’instrument pour les autres.  Qui plus est,  la miséricorde n’est pas seulement réservée à des moments particuliers,  mais elle embrasse toute notre existence quotidienne,  et ceci est à notre portée,   comme le redit notre pape François.

 

Le 20 octobre 2016 (il y a un mois), lors de l’Audience du Mercredi,  le pape répétait : comment pouvons-nous donc être témoins de la miséricorde ?  Ne pensons pas qu’il s’agisse d’accomplir de grands efforts ou des gestes surhumains.  Non, ce n’est pas cela.  Le Seigneur nous indique une route beaucoup plus simple, faite de petits gestes,   mais qui ont à ses yeux une grande valeur,  au point qu’il nous a dit que nous serons jugés sur ceux-ci.  En effet, une des plus belles pages de l’Évangile de Matthieu  nous rapporte l’enseignement que nous pourrions considérer en quelque sorte comme le « testament de Jésus » de la part de l’évangéliste, qui a fait directement sur lui l’expérience de l’action de la miséricorde (vocation de Lévi-Matthieu).  Jésus dit que chaque fois que nous donnons à manger à celui qui a faim et à boire à celui qui a soif,  que nous habillons une personne nue  et que nous accueillons un étranger,  que nous rendons visite à un malade ou à un prisonnier,   c’est à Lui que nous le faisons (cf. Mt 35,31-46).  L’Église a appelé ces gestes les « œuvres de miséricorde corporelle »,  parce qu’elles secourent les personnes dans leurs besoins matériels.

 

Mais il y a aussi 7 autres œuvres de miséricorde dites « spirituelles »  qui concernent d’autres exigences aussi importantes, surtout aujourd’hui,  parce qu’elles touchent l’intime des personnes.  Nous nous souvenons certainement tous de l’une d’elles qui est entrée dans le langage commun : « Supporter patiemment les personnes ennuyeuses ».  Et il y en a !  Il y en a des personnes ennuyeuses !  Cela pourrait sembler quelque chose de peu d’importance, qui nous fait sourire ;  au contraire, il y a là un sentiment de profonde charité ;   et il en est de même pour les 6 autres dont il est bon de se souvenir :  conseiller ceux qui doutent,  enseigner aux ignorants,  avertir les pécheurs,  consoler les affligés,  pardonner les offenses,  prier Dieu pour les vivants et pour les morts.  Ce sont des actes de tous les jours !  Je m’arrête, j’écoute, je perds du temps et je console,   ceci est un geste de miséricorde    et il est fait non seulement à cette personne qui souffre,  mais il est fait à Jésus !

 

L’Église, fidèle à son Seigneur,  nourrit, d’ailleurs, un amour préférentiel pour les plus faibles.  Souvent, ce sont les personnes les plus proches de nous qui ont besoin de notre aide.  Nous ne devons pas aller à la recherche de qui sait quelles entreprises à réaliser.  Il est mieux de commencer par les plus simples,  que le Seigneur nous indique comme les plus urgentes.  Dans un monde malheureusement frappé par le virus de l’indifférence,   les œuvres de miséricorde sont le meilleur antidote.  Jésus est toujours présent là où il y a un besoin.  Une personne a-t-elle un besoin, matériel ou spirituel ? Jésus est là.

 

Reconnaître son Visage dans le visage de celui est dans le besoin  est un vrai défi contre l’indifférence.  Cela nous permet d’être toujours vigilants,  évitant que le Christ ne passe à côté de nous  sans que nous le reconnaissions.  St Augustin affirmait : « Timeo Iesum transeuntem » (Serm., 88,14,13), « J’ai peur que le Seigneur passe !!! » (et que je ne le reconnaisse pas),  que le Seigneur passe devant moi dans une de ces personnes petites, démunies   et que je ne me rende pas compte que c’est Jésus.  J’ai peur que le Seigneur passe  et que je ne le reconnaisse pas !  Pourquoi St Augustin dit-il de craindre le passage de Jésus ? La réponse est malheureusement dans nos comportements :  parce que nous sommes souvent distraits, indifférents,  et quand le Seigneur passe près de nous,  nous perdons l’occasion de la rencontre avec Lui.

 

Les œuvres de miséricorde réveillent en nous l’exigence et la capacité de rendre vivante et agissante  la foi  avec la charité. Soyons convaincus qu’à travers ces simples gestes quotidiens  nous pouvons accomplir une véritable révolution culturelle, comme cela s’est produit dans le passé pour St François, Ste Elisabeth et tous les saints.  Si chacun de nous, chaque jour, en accomplissait un de ces gestes de miséricorde,  ce serait une révolution dans le monde !   Mais tous,  chacun de nous !  Combien de saints sont encore aujourd’hui évoqués  non pas pour les grandes œuvres qu’ils ont réalisées,  mais pour la charité qu’ils ont su transmettre !  Pensons à Mère Teresa, récemment canonisée :  nous ne nous souvenons pas d’elle pour toutes les maisons qu’elle a ouvertes dans le monde,   mais parce qu’elle se penchait sur chaque personne  qu’elle trouvait au milieu de la rue  pour lui rendre sa dignité.  Combien d’enfants abandonnés a-t-elle serrés dans ses bras !   Combien de moribonds a-t-elle accompagnés au seuil de l’éternité en leur tenant la main (je l’ai vu en 1978) !   Ces œuvres de miséricorde de l’Evangile vécues par les saints,   sont les traits du visage de Jésus-Christ qui prend soin de ses frères les plus petits  pour apporter à chacun  la tendresse et la proximité de Dieu.   Ste Elisabeth de Hongrie a su  ô combien  le vivre.    Merci !

 

Article publié par Doyenné de Cambrai • Publié le Mardi 22 novembre 2016 • 1835 visites

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