Réflexion… Méditation…

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Comment devons-nous comprendre cette déclaration? Elle semble à première vue plutôt illogique car nous préférons tous éviter la condition de faim et de soif lorsque c’est possible. Et pourtant, Jésus proclame bienheureux celui qui ressent la faim et la soif.

Quand on a faim et soif, on manque du nécessaire. Quand on est rassasié, on ne manque de rien. 

On pourrait donc reformuler cette béatitude : « Heureux ceux qui ne sont pas rassasiés de justice.... », soit parce qu'ils souffrent eux-mêmes de l'injustice, soit parce qu'ils ne peuvent supporter l'injustice autour d'eux. Ils sont heureux, consolés, parce qu'ils savent qu'un jour Dieu établira son règne de justice ! Ils sont heureux, « en marche », parce qu'ils peuvent alors travailler pour la justice !

L'espérance chrétienne nous place dans l'attente de l'établissement du Royaume de Dieu, un règne de justice et de paix. Mais aujourd'hui, le disciple en marche avec Jésus-Christ doit avoir faim et soif de justice.

Il ne peut pas en être rassasié.

Il ne peut pas se contenter de « faire avec » l'injustice...

Toujours avoir faim et soif de justice, c'est ne jamais s'accommoder de l'injustice !

Mais de quelle justice parle-t-on ?

La justice dont il est question dans cette béatitude ne doit pas être confondue avec la notion de justice qui découle du Droit et qui est appliquée par les tribunaux. Pour comprendre ce que signifie la justice dont il faut avoir faim et soif, il faut se rapporter aux diverses mentions qui en sont faites dans le Discours sur la montagne (Mt 5,1-7,27).

Deux textes de l'Evangile de Matthieu, en écho à cette béatitude, peuvent nous éclairer : Lecture complémentaire : Mt 25.31-46 (ci-jointe)

1/La justice devant Dieu

La justice apparaît comme la condition d'entrée dans le Royaume de Dieu. La justice des disciples de Jésus doit dépasser la justice des Pharisiens:

 « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu. » (Mt 5,20)

Elle se définit par l'exigence de perfection qui va au-delà d'une observance étroite de la lettre de la Loi: « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père du ciel est parfait. » (Mt 5,48) La justice doit être pratiquée avec l'intention de plaire à Dieu et non aux hommes: « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. » (Mt 6,1)

     On peut dire que la justice, au sens biblique du terme, correspond à un ajustement de notre vie à la volonté de Dieu ou à son projet de salut pour nous. Jésus nous demande en somme de vivre en conformité avec notre vocation et notre dignité de fils et de fille de Dieu. La recherche de cette justice, ou de cette justesse de vie, doit être une priorité dans notre existence quotidienne. Avoir faim et soif de la justice est une métaphore qui désigne l'aspiration qui doit orienter la vie de l'homme dans son rapport avec Dieu. La recherche de l'harmonie entre notre façon de vivre et le projet de Dieu implique de notre part une participation active, par la pratique concrète des exigences de la vie chrétienne, par l'écoute attentive des conseils évangéliques, par la docilité à l'action de l'Esprit Saint en nous.

Avoir faim et soif de la justice, c'est éprouver un petit ou un grand creux que seul Dieu peut combler par son amour et le sens qu'il donne à notre vie, c'est éprouver un ardent désir d'être en communion avec lui par l'accueil de sa présence.

     En fait, c'est Dieu qui suscite en nous le désir de nous nourrir de sa présence: « Voici venir des jours - oracle de Yahweh - où j'enverrai la faim dans le pays, non pas une faim de pain, non pas une soif d'eau, mais d'entendre la parole de Yahweh. » (Am 8,11).

Cette présence bien réelle nous est offerte en Jésus, par sa parole et son pain de vie: « Qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif. » « Qui mange ce pain vivra à jamais, et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. » (Jn 4,14; 6,51) Notre recherche de la justice est l'œuvre de notre vie et passe par notre volonté de vivre en disciple de Jésus.

Le problème n'est pas dans le fait d'observer la loi. Pas un seul iota, pas un trait de lettre, ne doit en être retranché. Il ne s'agit pas d'abolir la loi... Le problème est dans la façon d'observer la loi.

Richesses et pauvreté …

Avant la chute, tout était excellent. Dans le dessein de Dieu, l’économie à la disposition de la société humaine, était une économie d’abondance, propre à nourrir toute l’humanité. Malheureusement, la cupidité de l’homme est venue bouleverser la création.

Sont alors apparus le désordre économique et la pauvreté. C’est pourquoi nous constatons la rupture de la solidarité économique, l’orgueil de ceux qui possèdent et la convoitise de ceux qui ont une condition inférieure.
La bonne nouvelle, c’est que la restauration de toute chose se trouve en Jésus-Christ ; y compris celle de l’ordre économique. Et l’Eglise est chargée de donner des signes de cette restauration.

Les biens matériels sont une figure de l’abondance du royaume des cieux. Ils doivent être reçus dans la foi comme un don de Dieu, signe de sa grâce.
Les richesses doivent être consacrées à Dieu. Or, consacrer à Dieu la richesse, c’est la mettre au service d’autrui. Les riches – ceux à qui Dieu confie des biens en surcroît – sont chargés d’être les dispensateurs de Dieu auprès de ceux qui ont le moins de ressources. Les riches sont les « ministres des pauvres ». C’est par leur intermédiaire que Dieu veut subvenir à leurs besoins.
La fonction divine du riche est de donner. Et c’est la fonction de tout homme car nous sommes tous le riche de quelqu’un, car nous avons tous reçu une part des biens de Dieu !

Désormais, la justice devant Dieu, c'est le Christ. Il est venu accomplir la loi ! Pour être juste devant Dieu, je dois m'approcher du Christ par la foi. L'idée est bien développée par l'apôtre Paul : nous sommes justifiés par grâce (c'est un cadeau de Dieu), au moyen de la foi. 

Alors, comment être « rassasié de justice » devant Dieu ? Si nous avons faim et soif de justice devant Dieu, "mangeons" et "buvons" le Christ !

Jean 6.51 : « C'est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours ; et le pain que, moi, je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde. »

C'est une invitation à une relation personnelle avec le Christ, par la foi, dans la prière ! Seul moyen d'être rassasié de sa justice...

Du coup, ne pas s'accommoder de l'injustice, ici, c'est ne pas s'accommoder du péché dans notre vie ! Lutter pour la justice devant Dieu, c'est lutter contre le péché, se laisser transformer à l'image du Christ.

2/La justice dans le monde 

Luc 6.21 dit simplement « Heureux êtes-vous, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés ! ». Et Matthieu 25.35 dit bien : « j'ai eu faim et soif et vous m'avez donné à manger et à boire... »

« Que ceux qui ont faim aient du pain ! Que ceux qui ont du pain aient faim de justice et d’amour ! » [Abbé Pierre]

Associer la faim et la soif à la justice trouve nécessairement un écho dans notre monde d'aujourd'hui.... Avoir un milliard de personnes qui meurent de faim dans le monde et autant qui n'ont pas accès à l'eau potable, n'est-ce pas une injustice ? Signe d'un monde où l'injustice est partout. Cela doit nous être « Intolérable !... »

Oui c'est injuste ! Et on ne peut s'accommoder d'une telle injustice.

S'y attaquer peut paraître impossible, inaccessible, utopique… 

Ne pas s'accommoder de l'injustice, ici, c'est au moins prier pour ceux qui luttent contre les injustices dans le monde... et peut-être, aussi, s'engager !

3/La justice autour de moi

« Nul n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager …et nul n’est trop riche pour n’avoir rien à recevoir ! »  Mgr Jean Rodhain

N'oublions pas que le monde commence à notre porte... et que l'injustice, on la croise aussi sur nos chemins quotidiens.

La faim et la soif de justice commencent dans mon quotidien, dans mes relations : chercher à avoir des relations justes, sans jugement. Refuser toute forme de racisme ou de dénigrement, se montrer solidaire…

N'oublions pas les paroles de Jésus dans Mt 25 : il s'agit d'abord de donner à manger et à boire à ceux qui ont faim, visiter les malades et ceux qui sont en prison...

- L'espérance de l'établissement du Royaume de Dieu, où la paix et la justice cohabiteront, selon les promesses bibliques, ne doit pas pour autant nous amener à démissionner dans ce monde - ci. 

- Nous aurons des comptes à rendre sur la justice et la solidarité que nous auront manifestées ou non ici, dans ce monde - ci, aujourd'hui ! 

Quelle « justice » pratiquons-nous autour de nous ?

- Ne pas s'accommoder de l'injustice, ici, c'est rejeter l'indifférence. Garder un cœur sensible à la souffrance et aux détresses, disponible pour aider, pour aimer tout simplement !

Ce n'est certes pas ici-bas que nous serons pleinement rassasiés de justice. Il nous faudra attendre l'accomplissement de notre espérance, l'établissement du Règne de Dieu. 

  • Dans cette attente, et plus encore à cause de cette attente, aujourd'hui, ne jamais s'accommoder du péché qui agit encore en nous.

Avoir faim et soif de justice, de liberté et d'amour dans le monde …

Avoir faim et soif de communion avec Jésus-Christ, notre justice….

-Au contraire engageons-nous au moins dans la prière !

Avoir faim et soif de relations authentiques et vraies, sans esprit de jugement et vraiment solidaires. Et ne jamais s'accommoder de l'indifférence.

  • Car si notre justice, nous la trouvons par la foi en Christ, cette justice est appelée à changer notre vie, nos relations, notre rapport au monde. Pour œuvrer déjà aujourd'hui, à tous les niveaux, pour plus de justice ! 

Aujourd'hui, en marche avec le Christ, ayons faim et soif de justice, en attendant d'être rassasié !

                  heart-2028061_1280 Gordon Johnson de Pixabay heart-2028061_1280 Gordon Johnson de Pixabay  

Pistes de réflexion

- Comment suis-je sensible aux « faims » de mon tout proche ?  

- Quel lien y a-t-il entre la justice que l'on reçoit de Dieu en Jésus-Christ, et celle que nous sommes appelés à vivre dans notre relation au monde et à notre prochain ? 

- Y a-t-il des domaines dans ma vie où je m'accommode de l'injustice      

  • Seigneur, apprends-moi à voir les richesses que tu as mises au cœur de l’autre pour que je l’aide à les mettre en valeur…. et à écouter ce qu’il me révèle de Toi ?

Seigneur, donne-nous la force de lutter contre la misère et de construire une fraternité et une justice qui n’excluent personne…

                                  

 

Article publié par Doyenné cambrai • Publié le Mercredi 15 décembre 2021 - 00h30 • 673 visites

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