Méditation

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7/ « Heureux les artisans de paix,  ils seront appelés fils de Dieu»

HEUREUX LES ARTISANS DE PAIX (CEUX QUI FONT LA PAIX) ILS SONT APPELÉS FILS DE DIEU … ou PARCE QU'ILS SERONT APPELÉS « FILS DE DIEU ».

Quand on parle de paix il s’agit bien sûr d’absence de querelle, de violence, de guerre. Quand on parle de paix on pense plus souvent à la tranquillité d’esprit… Dans l’Évangile un autre sens peut-être attribué au mot PAIX : Celui de PLEIN DE VIE

Cette Béatitude des artisans de paix peut paraître claire, facile…

mais l’est-elle vraiment ? C’est ce que nous allons voir…

Cette expression "les artisans de paix" employée dans la béatitude ne se retrouve pas dans la Bible, sauf en Mt 5, 9 qui est la béatitude. Donc le terme "artisan de paix » est très rare. Littéralement il signifie : FAISEUR DE PAIX… qui suppose une implication.

Le sens du mot PAIX semble difficile... il peut donner lieu à plusieurs interprétations. Dans notre société, il existe trois catégories de "faiseurs de paix".

1ère catégorie : Les pacifistes qui s'emploient activement à faire ou à refaire la paix là où la division existe entre les humains : là où il y a la violence, à ce qui a trait aux personnes, aux animaux, aux plantes, ils sont anti-nucléaires, antimondialisation, anti….

2e catégorie : Les pacifiques, les personnes qui ont un bon tempérament, désirent la paix. Ces pacifiques sont caractérisés par : Leur absence d'agressivité apparente ; leur horreur des querelles et des disputes; leur désir d'éviter tout conflit avec les autres; de vivre en bons termes avec les autres à cause de leur amour de la paix, de la tranquillité et du calme, ce désir les pousse à la tolérance et à la conciliation. Ils veulent vivre en harmonie… ils tricotent la paix.

3e catégorie : Les pacificateurs, ces personnes bien placées dans la société qui usent de leur prestige social pour réparer les injustices faites aux pauvres et aux faibles, qui veulent rétablir la paix en faveur de personnes victimes du désordre social ou de l'injustice, qui veulent ramener la paix et la concorde entre des personnes désunies, et posent des gestes en faveur de la paix suggérée par l'expression « FAISEURS DE PAIX » ... Ils seraient des réconciliateurs, des raccommodeurs au sein de situations conflictuelles vécues par d'autres, des ambassadeurs de paix. Il y en a dans nos communautés, dans nos familles, dans la société… Mais l’expérience nous prouve qu’il y a des personnes par contre qui mêlent les cartes plus qu'elles n’aident pas ou peu…. Elles portent en elles la discorde… elles essaient de réconcilier et divisent plus.

Cette expression "faire la paix" est très fréquente dans les écrits à l'usage du Rabbin. Le mot "paix" dans l'A.T. veut dire SHALOM. Ce mot est employé pour désigner tous les aspects de la vie humaine dans la pleine maturité donnée par Dieu : Justice, vérité, communion, vie, paix. Ce seul mot « SHALOM » résume tous les dons de l'âge messianique; (apportés par le Messie) le nom même du Messie peut se traduire : SHALOM

La paix souhaitée et recherchée dans l'A.T. n'est pas seulement la stabilité politique mais l'épanouissement intégral des personnes et des collectivités.

La paix 

Cette béatitude est une belle occasion pour réfléchir à nos manières d’être en relation avec notre entourage : parents, enfants, conjoint, communauté, au travail, avec mes voisins, etc… pour ne plus confondre « être en paix » avec « avoir la paix ».  

En effet, si la paix d'une famille consiste à exclure celui ou celle qui ne grandit pas comme le souhaiteraient les parents, ou à museler toute parole qui revendiquerait une autre façon de vivre que celle qui a toujours eu cours dans la famille, est-ce cela la paix dont parle Jésus ? Si la paix d'une communauté chrétienne ou d’un couple tient uniquement à l'art qu'a chacun d'éviter d'aborder les problèmes qui fâchent, est-ce encore la paix voulue par Jésus ? Si la paix d’une entreprise repose sur un patron qui tient ses employés sous la crainte d’un licenciement à la moindre critique, est-ce cela la paix de l’Evangile ?

Vous devinez bien que non, là n’est pas la paix que Jésus veut nous donner, ces paix-là, sont toutes le fruit de nos compromis, de nos peurs, de notre désir de pouvoir, c’est la paix « du monde » comme le dit Jésus dans l’évangile de Jean 14, 27 :

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne ». La paix que Jésus est venu apporter est une paix qui, étonnamment, passe par le glaive !

« Jésus disait aux douze Apôtres : Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison »  (Mt 10, 34).

Qu’est-ce à dire ?

De la même manière qu'il faut un glaive (un ciseau) pour que l'enfant soit séparé de la mère à la naissance et plus tard le ciseau symbolisé par le père pour qu’il puisse devenir lui-même, de la même manière il faut le glaive d'une parole de vérité pour que l'homme soit libéré de sa tentation de se fabriquer des paix frelatées.

Il faut souvent une parole tranchante pour distinguer, séparer, déconfusionner les idées, les relations, les personnes. Seule une parole de vérité, comme un glaive, permet de réconcilier l'homme avec lui même, avec la vérité de son être et donc d’accéder à la vraie paix. Oui la paix dont parle Jésus, c’est celle qui advient quand on ne cherche pas d’abord à être gentil pour éviter de fâcher l’autre, mais lorsqu’on est vrai avec soi et avec l’autre !

            Des exemples vécus nous parleront peut-être davantage :

Pour être vrai avec lui-même, un employé a dû dénoncer les actions frauduleuses de son chef au risque de perdre sa promotion et sa prochaine augmentation. Pour avoir voulu partager le sort des opprimés dans un pays d’Amérique latine, et défendre leurs droits, un prêtre s’est heurté au gouvernement local et a écopé de plusieurs mois de prison.

Aimer vraiment, suppose parfois et même souvent de devoir dire la vérité au risque de ne plus être aimé. La paix que Jésus nous donne provient de l'adéquation, de l'ajustement de notre être avec nous-même. Autrement dit, c'est quand nous sommes vrais avec nous-même, vrais avec les autres et vrais avec Dieu, que nous sommes réellement en paix

Vous le sentez bien, cette paix dont parle Jésus n’est pas tranquille croyez-moi ! Elle est créative, elle produit des fruits, elle fait avancer, et donne la vie.  

Les artisans de paix 

            Les vrais artisans de paix ce sont ceux qui, ayant reçu cette paix de Dieu, la répandent autour d’eux, même si cela doit leur coûter ! Je pense à Martin Luther King, Rosa Parks, Anna Politkovskaïa (journaliste russe assassinée parce qu’elle dénonçait les exactions de l’armée russe en Tchétchénie) :

voici ce qu’elle disait : « Il revient à chacun de se déterminer, de montrer ce qui l'habite ; s'il est artisan de paix ou non. Et cela se vérifie à l'aulne du plus petit, du plus faible. L'heure n'est plus à la demi-mesure, au compromis ».

Voilà qui sont les artisans de paix : ce sont des guerriers ! Oui la paix de Jésus est guerrière ! car c’est un combat à mener pour qu’advienne la paix…

- Jésus en sait quelque chose, puisqu’il y a laissé sa vie, et tant d’autres avant et après lui. Encore aujourd’hui, Jésus est au front, avec tous ceux qui œuvrent pour qu’advienne la paix ! Si vous voulez des détails sur l’équipement du guerrier de la paix, reportez-vous à la description de st Paul dans son épître aux éphésiens :

 « Tenez donc ! ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l'ardeur à annoncer l'Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d'arrêter toutes les flèches enflammées du Mauvais.  Prenez le casque du salut et l'épée de l'Esprit, c'est-à-dire la parole de Dieu. En toute circonstance, que l'Esprit vous donne de prier et de supplier. Restez éveillés afin de persévérer dans la prière pour tous les fidèles ». (Ep, 6, 14 – 18)

Voilà les vraies armes de la paix ! Notre monde attend de tels artisans de paix…

Mais il n'est point besoin d'être un surhomme pour être artisan de paix, il suffit, chacun à sa mesure, d'être fidèle au plus profond du désir qui nous habite. Car l’homme est fait pour la paix et non pour l’éparpillement ! L’homme recherche l’unification, c’est-à-dire l’unité de sa vie, la cohérence entre ce qu’il est et ce qu’il vit.

Vous l’avez remarqué, Jésus ne commence pas l’énumération des béatitudes par celle de la paix, elle vient comme au terme d’expériences qui toutes ensemble aboutissent à la paix : accepter de manquer, devenir humble et doux, vibrer à la souffrance de ce monde ou point d’en pleurer, laisser notre soif de justice nous lancer dans l’action avec un cœur miséricordieux, voilà ce qui peut apporter la paix, ce repos que nous cherchons tous et qui est à l’origine du vrai bonheur.

Toutes les béatitudes sont donc au service de la paix intérieure et donc aussi avec ceux qui nous entourent. L’un ne va pas sans l’autre. Je ne serai jamais artisan de paix si, en moi, tout mon être fait la guerre, tout est en combat permanent. Les premières béatitudes nous invitent à cette réconciliation intérieure pour que nous puissions travailler à la réconciliation de ce monde.

            On peut donc traduire le début de cette béatitude ainsi : 

« Heureux les faisant-la-paix. » c’est à dire « ceux qui font surgir la paix », ou mieux encore « ceux qui ne cessent de répandre la paix » en la recevant du Christ, comme le dit St Paul dans son épître aux Colossiens (1, 20), employant la même expression : « Il a été le faisant-la-paix, par le sang de sa Croix. ».

Pour St Paul, faire la paix c’est abattre « les murs de séparation » (Ep 2, 14) tous les murs qui séparent encore aujourd’hui les hommes des femmes, les blancs des noirs, les riches des pauvres, les croyants des incroyants, les cathos des protestants, les juifs des musulmans,  les hétéros des homos, les divorcés des mariés, etc… etc…

C’est aussi ce que Jésus n’a cessé de dire et de faire. Vous le voyez, être artisan de paix n’est pas une mince affaire.  Et ce travail de réconciliation va encore plus loin : il s’agit de réconcilier les Humains avec la création tout entière.

La paix avec la création

Le Pape Benoît XVI dans son message pour la journée mondiale de la paix du 1er janvier 2007 a rappelé le lien indissociable ente la paix pour la nature et la paix entre les hommes :

« si la paix nous tient à cœur, cela implique d’avoir toujours plus présent à l’esprit les liens qui existent entre l’écologie naturelle, à savoir le respect de la nature et l’écologie humaine. L'expérience montre que toute attitude irrespectueuse envers l'environnement porte préjudice à la convivialité humaine, et inversement. Un lien indissoluble apparaît toujours plus clairement entre la paix avec la création et la paix entre les hommes. L'une et l'autre présupposent la paix avec Dieu. La poésie-prière de saint François, connue aussi comme « le Cantique de Frère Soleil », constitue un exemple admirable — toujours actuel — de cette écologie multiforme de la paix. (…) Il est donc urgent, même dans le cadre des difficultés actuelles et des tensions internationales, de s'engager pour donner vie à une écologie humaine qui favorise la croissance de l'arbre de la paix ».

            Il nous faut découvrir qu'il est très difficile de prétendre à une réconciliation entre les hommes tant que l'on s'oppose à la création.

Comme le dit Maurice Zundel : « Si l'homme a ses racines charnelles dans le cosmos, le cosmos, lui, a ses racines spirituelles dans le cœur de l'homme. »

C'est là, dans le cœur de l'homme, que le cosmos trouve ses racines spirituelles.

  - C'est ce qu'exprime superbement le Cantique des Créatures où François d’Assise, à la fin de sa vie, en livre le secret. François n'exprime donc pas seulement son amour des créatures mais il invite à louerDieu non pas seulement POUR la terre, mais PAR la terre, le vent, le feu…

  Du coup, nous pouvons en conclure que ce terme « fils de Dieu » n’est pas réservé qu’à Jésus, c’est la théologie et les Pères de l’Eglise qui plus tard « tireront » le texte dans le sens d’une filiation unique. Mais si nous voulons être fidèles à la traduction grecque, et à toute la bible où ce titre est utilisé bien plus largement que pour Jésus, alors il nous est permis de penser que les Humains sont aussi appelés à devenir fils et filles de Dieu.

  -  Le chemin pour devenir fils de Dieu est donc d’être un « faisant la paix ».  Voici une   donnée intéressante qu’il est bon de se rappeler à une époque où parfois, la morale semblerait vouloir passer au premier plan, et nous donner à croire qu’il faudrait être « en règle », pour être fils de Dieu ! Non, et non ! nous dit Jésus, pour être fils de Dieu, il suffit d’être « faiseur de paix ! ». La conduite morale n’est pas première, elle est consécutive au fait d’être un faiseur de paix !

  Commence à faire la paix, alors ta conduite sera morale.

  Voilà ce que nous enseigne cette 7ème béatitude : participer à la filiation divine est à la fois un don et une tâche, c’est devenir, comme le Christ, acteurs de libération et artisans de paix, témoins de l’amour et de la lumière, signe du Dieu de Vie et porteurs d’espérance.

  Concluons par la prière pour l’unité et la paix de l’Eglise que la liturgie nous fait réciter à la messe: « Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes Apôtres :

” Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix”, ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix, et conduis-la vers l’unité parfaite, toi qui règnes pour les siècles des siècles. Amen ».

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Pistes de réflexion :

Suis-je moi-même artisan de paix ?  Est-ce que je fais la paix entre tous ?

Comment est-ce que je me comporte dans les conflits d'opinion, d'intérêt ?

Est-ce que je m'efforce de rapporter toujours et seulement le bien, les paroles positives en laissant tomber dans le vide le mal, les potins, tout ce qui peut semer la discorde ?

La paix de Dieu est-elle en mon cœur ? et sinon, pourquoi ?

Gilbert-Cesbron Gilbert-Cesbron  

« La Paix, Seigneur, aide-nous à l'établir en nous-mêmes non pas comme un armistice ou un compromis, mais comme une conquête sur nos faiblesses et nos contradictions.

 Réconciliés avec nous-mêmes, nous irons avec les autres, et nous lutterons de toutes nos forces contre les privilèges, l'oppression, le désordre établi, car il n'y a pas de Paix sans Justice.

 Il n'y en a pas non plus sans Amour, sans Reconnaissance de l'autre, individu, classe sociale, peuple ou race.

 Libérés de toute hargne, incapables d'injures, fais de nous, Seigneur, des hommes de la réconciliation. » Ainsi soit-il.

                                               Gilbert Cesbron

 

Article publié par Doyenné cambrai • Publié le Mardi 04 janvier 2022 • 474 visites

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