La méditation du 9 avril

proposée par le père V. Deblock

Le Christ unique grand prêtre.

Maurice Denis Sacre Coeur crucifie 1894  001 Maurice Denis Sacre Coeur crucifie 1894 001  

L’espace est étrange : une sorte d’église éclatée, grande ouverte sur le monde et le ciel, et envahie d’un délicat tapis fleuri. Occupant tout l’espace du tableau, le Christ en croix s’élève sur une estrade fragile. Les yeux clos, la tête inclinée, il a rendu l’Esprit, apaisé : il a donné sa vie jusqu’au bout. Devant lui, les deux Marie ne font qu’une, voilées de la même nuit, bras levés en une douloureuse supplication.

Autour d’eux, le Golgotha s’est fait prière liturgique. Pas de prêtre. Il n’en est nul besoin : l’unique grand Prêtre, offert sur l’autel de la croix, est là. Des femmes vêtues de blanc, chantent, unies par une même partition,  ou prient, toutes intérieures, dans la lumière ou dans l’ombre.

Deux servants d’autel, l’un debout, l’autre à genoux ont aussi pris des attitudes différentes pour se recueillir. Leurs cierges, démesurément hauts, les rapprochent du corps du Seigneur crucifié. Leurs flammes sont comme de petits soleils vifs, et forment un triangle parfait avec le cœur de Jésus : cœur ouvert sur le monde et pour lui, source jaillissante d’une lumière que plus rien ne pourra mettre sous le boisseau, il est la source de toute lumière en notre Eglise.

Tout au fond, dans l’ombre, des personnages  s’avancent en procession, montant des marches rappelant celles du crucifix dressé. Comme ceux du premier plan, vêtus de blanc ou de noir, debout ou agenouillés, ils figurent les âmes des baptisés ensevelis dans la mort de Jésus pour ressusciter avec lui. Penché vers eux, un prêtre à peine esquissé mais dont on distingue bien la chasuble ornée d’une croix, leur donne la communion.

Une goutte de sang  jaune vif tombe de la main de Jésus sur ce prêtre dont la coupe est peinte du même jaune légèrement atténué. C’est la Vie du Christ, unique grand prêtre, qui peut justifier cette folie : un homme comme les autres  offrant le corps vivant du Fils de Dieu pour que tous vivent de sa vie.

Tout est inversé : l’œuvre nous place au pied de la croix, tandis que les célébrations liturgiques dont nous sommes  plus familiers sont placées loin de nous. Et si l’artiste inverse ainsi les choses, c’est pour nous rappeler le cœur de la foi

Heureux rappel d’un peuple diversifié mais rassemblé par son Seigneur.

Heureux rappel du Salut offert une fois pour toutes sur la croix, par le Christ qui conduit notre chemin de Salut vers le Père, chemin marqué de sa croix comme la chasuble du prêtre, simple homme oint de la vie rayonnante du Christ pour le service de ses frères.

Heureux rappel de l’eucharistie comme un trésor brillant et discret dans la vie de l’Eglise, source et sommet de sa prière, car née du don du Christ lui-même.

Heureux rappel, cette année particulièrement, que même si l’eucharistie peut être loin de nous, comme elle l’est ordinairement pour tant de peuples ou de personnes, la vie du Christ est offerte, et qu’il est possible de s’approcher de lui de tant de manières !

Heureux rappel de la grandeur du Christ, que nous célébrons aujourd’hui comme l’unique grand prêtre donné pleinement.

 

Maurice Denis (1870-1943) Sacré Cœur crucifié, 1894. Huile sur toile, 131 x 361 cm. Collection  particulière

Article publié par Doyenné cambrai • Publié le Jeudi 09 avril 2020 • 643 visites

keyboard_arrow_up